On the border, mais pourquoi ce nom?
Ne doutant ni de vos capacités multilinguistiques ni de votre perspicacité, je ne vous ferai pas l’affront de vous traduire le nom de mon blog.
Même si jusqu’à présent je vous parle beaucoup d’El Paso, vous l'avez certainement compris, je vis entre deux pays. Si je suis contrainte de vivre aux Etats-Unis pour des raisons de sécurité (à ce propos El Paso est la deuxième ville la plus sûre des Etats-Unis), mon entreprise se situe de l’autre côté de la frontière. Quatre jours par semaine, je dois donc montrer pâte blanche pour aller d’un pays à l’autre. Ne croyez surtout pas que les week-ends font trois jours ici, sinon je n’aurais pas attendu 2008 pour y venir. En fait, je travaille à El Paso le cinquième jour ouvré. Pour moi, c’est le mercredi. Ca me permet de faire une coupure dans la semaine, parce que vous allez le voir, passer la frontière, ce n’est pas de tout repos.
Depuis 1848, c’est le fleuve Rio Grande (communément appelé Rio Bravo par les mexicains) qui délimite la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Ce fleuve est le troisième le plus long des Etats-Unis. Mais du fleuve, je n'en connais pour l'instant que le nom et le pont qui le traverse. De l'eau je n'en ai pas encore vue, ou si peu…
Pour rejoindre Juarez depuis El Paso, il existe trois ponts, dont un pour ceux qui disposent d'un pass rapide. Ceci sous-entend bien évidemment que moi, je n’en ai pas. En fait, pour pouvoir en faire la demande, il faut d’abord avoir un numéro de sécurité sociale. Et ce fichu numéro, autant vous dire qu’ils ne sont pas pressés de me le donner. J’ai pourtant fait toutes les démarches nécessaires le lendemain de mon arrivée. Pourquoi est-ce aussi long ? C’est les States ! Ils doivent vérifier mon identité, s’assurer que je ne suis pas une terroriste, que ma couleur de cheveux ne fait pas de moi une sorcière et que j’ai bien toutes mes dents (en l’occurrence, il m’en manque une maintenant, j’aurais dû demander au dentiste qu’il me laisse ma dent de sagesse en souvenir, j’aurais peut-être déjà mon numéro de sécurité sociale à cette heure-ci). Bon, en attendant d’avoir mon pass rapide, je traverse le pont Cordova pour rejoindre Juarez.
C’est le Pont central. Rien avoir avec le petit pont de la résidence du lavoir… non non non !. Celui la comportent 8 voies pour les voitures, 2 passages grillagés pour les piétons et 2 voies pour les camions. A chaque bout du pont, la douane.
Plus de 60 000 personnes traversent la frontière chaque jour. C’est dingue non ? En venant d'El paso, la traversée se fait rapidement et sans difficulté. Une fois le pont franchi, reste la douane. Vous choisissez alors une file et vous avancez au pas. Entre deux ralentisseurs énormes qui vous permettent chaque jour de vérifier si vos amortisseurs fonctionnent bien, un feu bicolore. Chaque matin, c’est le suspens. Si la lumière passe au vert, vous pouvez continuer votre route, s'il passe au rouge et qu'une sonnette retentit (histoire que vous ayez bien compris que c’est rouge), vous devez vous garer sur le côté et les douaniers procèdent au contrôle de votre voiture. Les feux sont aléatoires et jusqu’à présent, je les ai toujours eus au vert. Avant de sortir, quelques ralentisseurs énormes, et vous voila au Mexique. L'entrée au Mexique est donc plutôt simple.
Il me faut entre 20 et 30 minutes pour faire les15 miles qui séparent mon petit nid, de mon bureau. C'est une autre histoire pour faire le chemin inverse.
Alors que je ne suis pas encore sur le pont, les bouchons commencent. Peu importe l’heure à laquelle vous vous y trouvez. A 7h du mat’, à midi, 15h, 18h, c’est pareil. Vous vous souvenez des longues files de voitures sur la route du retour de vacances le 15 aout en plein soleil? Eh ben, c'est à peu près pareil, mais sur un pont.
D'abord il faut choisir sa file. Après presqu’un mois d’expérience, j’ai constaté que les extrémités sont les voies les plus rapides. Donc mieux vaut faire le bon choix et ensuite bien serrer la voiture de devant histoire que personne ne prenne votre place. C’est la jungle ici, tout le monde se bat pour gagner une place. Alors ça double, ça klaxonne, ça redouble etc. Fermez bien vos fenêtres et vos portes, allumez la clim et c'est parti pour… 30 minutes? Une heure? Plus? C'est très variable. Quel est le pire timing que j’ai fait pour rentrer du boulot ? Trois heures. Bon ok, c’était la première semaine, qui plus est, la première fois que je faisais le trajet seule et ce jour là… je me suis perdue…J’ai tourné pendant une heure à Juarez, puis j’ai mis une heure pour traverser le pont et enfin je me suis de nouveau perdue une heure à El Paso (et on s’moque pas SVP). Je vous assure que maintenant je connais bien le chemin. Sinon, je mets généralement 1h30, ce qui est quand même entre 3 et 4 fois plus long que pour faire l’aller.
Sur le pont, les voitures sont agglutinées toutes les unes derrière les autres. Entre les véhicules, de pauvres mexicains déambulent, respirant les pots d’échappement à longueur de journée. La frontière, c’est leur gagne pain. Ils vendent des churros, des chips au chili, des tableaux d'un goût disons certain, des glaces. Certains vous proposent de laver votre pare brise en échange de quelques pesos. D’autres font du change ou encore exhibent leurs handicap.
Constamment il faut faire attention autour de soi et refuser à ceux qui dépoussièrent votre carrosserie sans attendre votre accord au préalable. Tout ça en faisant du stop and go. C'est là que j'apprécie pleinement d'avoir une voiture automatique. Franchement, vous vous imaginez faire ça sur un pont ? Avancer, s’arrêter, avancer, s’arrêter, etc. Au moins 30 démarrages en côte avec une voiture manuelle? Moi, je ne m’y vois pas du tout. Pour passer le temps, j'écoute la radio, je regarde les montagnes au loin, je songe, quand enfin arrive la douane. Au stop, vous devez attendre que l’on vous fasse signe d'avancer. Merci d'ôter vos lunettes de soleil et votre casquette et de présenter votre passeport. A chaque passage vous avez le droit à « Are you bringing something from Mexico? » En fait, toutes substances végétales, minérales ou animales achetées au Mexique doit être déclarées. Ma réponse est toujours la même « No ». Ensuite c’est assez variable. On me demande « Where are you going ?», « is it your car ? », « do you cross often the border ? » et des fois j'ai le droit à « Oh you’re French! What are you doing here ? » Ah ça, je vous le demande bien aussi….
Donc la tout dépend de... de je ne sais pas quoi à vrai dire. Peut être de votre tête, ou encore de l'humeur du douanier, ou tout simplement du hasard. Il peut vous laisser passer après ces deux trois questions rapides. Il peut aussi vous faire ouvrir le coffre et dans le pire des cas, vous avez le droit à la fouille complète avec les chiens et tout et tout. Si ça m'arrive un jour, je tâcherai de vous le raconter. Une fois le droit de passage acquis, il reste encore à affronter un labyrinthe de béton pour enfin rejoindre l'autoroute.
Apres cette arrivée simple, rapide, chaleureuse et accueillante, les USA vous souhaitent la bienvenue.
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