Confession sur mon séjour en prison
Cela remonte déjà à il y a quatre mois et je me décide enfin à parler. Quand on vit à la frontière Mexique États-Unis, que l'on ne connait pas bien les lois et que l'on est plutôt du genre curieuse et aventureuse, ce sont des choses qui peuvent arriver...
Ce jour là, je n'étais pas à El Paso, ni à Juarez d'ailleurs. C'était une belle journée du mois de juin. Le soleil brillait, le ciel était bleu et il y avait beaucoup de vent. Il était déjà 17h30, la nuit allait tomber d'ici une bonne heure. Nous étions nombreux à attendre notre tour. Tous en file indienne, dehors au vent. Quand mon tour est enfin arrivé, ils m'ont pris en photo devant un grand panneau. Ça n'a duré que quelques secondes, le temps qu'ils appellent la personne suivante. Puis je me suis retrouvée de nouveau dans la file. Le temps commençait à me sembler long, surtout que je n'étais pas à l'abri du vent. Peu de temps après, ils ont fait une annonce au micro. Ils avaient formé deux groupes. J'étais dans le premier, et ils exigeaient à ce que le groupe suivant ne se mélange pas à notre file.
Après une bonne demi-heure d'attente et de piétinement dans cette file d'inconnus, ils m'ont fait monter dans un bateau. J'ai eu le droit d'aller sur le pont. Il faisait frais à cause du vent, mais je préférais ne pas rester enfermée, sachant là où ils m'emmenaient..
Quand ils ont eu fait monter tous les pauvres gens, ils ont de nouveau parlé au micro. Je n'arrivais pas à tout comprendre. Il y avait toujours ce vent, depuis peu le bruit du moteur et le stress peut-être aussi.
Le bateau a pris le large.
Finalement, le transport a été assez rapide. Je dirais une vingtaine de minutes. Mon heure arrivait et bientôt je mettais les pieds........ à Alcatraz!
L'ile d'Alcatraz se trouve au milieu de la baie de San Francisco, en Californie. Elle a d'abord été une forteresse militaire, puis une prison militaire avant de devenir en 1934 une prison fédérale de haute sécurité. C'était moins leurs crimes que leur comportement qui conduisait les prisonniers à Alcatraz. La plupart d'entre eux refusaient de se conformer aux règles dans les autres prisons fédérales. Ils étaient considérés comme violents et présentaient de forts risques d'évasion. Sur les 1545 détenus qui ont purgé une peine à Alcatraz, quelques uns sont très célèbres. Il y avait notamment Al Capone, surnommé Scarface ; Alvin Karpis, qui passa vingt-six années sur le Rock et George Kelly, dit aussi Machine Gun.
La prison enfermait en moyenne 260 hommes pour 378 cellules existantes. 90 officiers en faisaient la garde. En 29 ans de service, on dénombre 14 tentatives d'évasions mettant en jeu 36 prisonniers. Tous ont été rattrapés à l'exception de cinq dont deux ont été noyés et les trois autres ont été portés disparus.
Mais laissons place à la visite maintenant.
J'arrive donc sur le fort par bateau avec un groupe de visiteurs comme vous l'aurez compris.
Un guide nous accueille. Alcatraz by night est la visite la plus intéressante paraît il, car nous avons des bonus que les autres groupes ne peuvent avoir en journée.
Deux heures durant, nous allons découvrir les moindres recoins de la prison et tenter de revivre le parcours d'un prisonnier. Nous avons déjà commencé par notre arrivée en bateau sur l'ile et les dix bonnes minutes de marches au vent glacial d'Alcatraz pour rejoindre les bâtiments de la prison.
L'entrée du pénitencier ressemble tout à fait à ce que l'on peut voir dans les films américains. C’est dans cette pièce que vous déposez vos effets personnels, où l'on vous fait prendre une douche, où l'on vous rase la tête et où l'on vous remet votre linge de prisonnier. En tant que gentille touriste, ce n’est pas un pyjama mais un casque audio en français que l'on me tend. Je pourrais l'écouter à la vitesse souhaitée en fonction de mon avancée dans les dédales de la prison. C'est un détenu qui nous raconte sa vie à Alcatraz (enfin soyons d'accord, il s’agit d’une reconstitution). C'est donc d'un point de vue interne que nous allons découvrir la vie carcérale. La bande sonore est particulièrement bien faite. On entend des voix typiques, des sons de l’époque, les bruitages singuliers au milieu. Tout est fait pour se mettre dans l'ambiance.
Nous pénétrons au cœur du fort, dans le premier bloc de cellules. Je m'imagine alors que c'est moi qui suis ici. L'intérieur est sombre, les couloirs froids et les cellules minuscules. J'ai la sensation d'être dans un monde à part. Un monde hors du monde. Et je pense ne pas être bien loin de la vérité.
Les cellules sont étroites et pas bien hautes. Je dirais quelles font tout au plus quatre mètres carrés. Tout est là ; le lit, la mini table pliante, les latrines en guise de chevet, un petit lavabo et une lourde porte grillagée ne permettant aucune intimité.
Nous marchons le long des cellules tout en écoutant des détails sur la vie à Alcatraz et des anecdotes comme celle du 2 mai 1946. Six détenus tentent de prendre la fuite. Les prisonniers sont menés par Bernie Coy, qui parvient à défaire les armes de plusieurs gardiens.
Source: Google image
Nous levons les yeux vers la galerie de surveillance. Il a réussi à s'infiltrer la haut, pendant que ses complices ont provoqué une émeute de diversion. Il assomme un garde, vole deux armes à feu et s'empare d'un jeu de clés. Malheureusement pour lui, ce ne sont pas les bonnes. L'agitation commence, des coups de feu retentissent. Tous les prisonniers crient, hurlent, s'excitent. Finalement, aucun ne réussira à sortir du bâtiment. Deux gardes et trois détenus trouveront la mort au cours de cette « bataille ».
Après cet épisode, nous entrons dans le quartier sécurisé ; les cellules correctives. C'est le bloc D. Il est séparé des autres par une lourde porte. On y trouve trente six cellules d'isolement et six mitards. Le couloir est nettement plus lumineux. Le niveau supérieur offre même une vue sur le Golden Gate rappelant aux incarcérés ce dont ils sont privés.
Ce quartier était réservé aux détenus les plus violents. Ils étaient enfermés dans leur cellules vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les plus résistants étaient enfermés dans les cellules d'isolation, le trou comme ils les appellent ici. Situé au niveau inférieur, ces cellules sont réputées pour être les plus froides du pénitencier. A l'intérieur, des latrines, un petit lavabo et le noir complet.
Le casque audio nous invite à pénétrer une de ces six cellules et d'y rester une minute. Le son s'arrête. Le soleil se couche au dehors, le vent glacé pénètre par les barreaux de la prison, nous sommes dans le noir complet, dans un silence presque total, entre quatre murs. J'en ai des frissons dans le dos.
Nous quittons le quartier D et traversons la bibliothèque pour rejoindre les cellules. Nous arrivons à celle d'un des célèbres frères Anglin. Cela remonte au 11 juin 1962. Trois détenus ont réussi à élargir le trou de la bouche d'aération de leur cellule à l'aide d'une petite cuillère et se sont enfuis par cet étroit passage. De fausses têtes en papier mâché qu'ils ont pris le soin de mettre au bord de leur couchage ont permis de faire croire à leur présence durant toute la nuit.
Les gardes ne se sont aperçus de leur disparition que le lendemain matin. Le corps de Frank Morris et des frères Anglin n'ont jamais été retrouvés. Même si la probabilité d'avoir pu rejoindre la rive de San Francisco est minime, le doute demeure.
Il faut savoir que l'eau est extrêmement froide, dépassant rarement les dix degrés, que les courants sont très forts ne permettant pas de faire la traversée par son plus court chemin de deux kilomètres et que les eaux sont habitées par les requins, certes espèce non mangeuse d'homme, mais on faisait croire le contraire aux détenus. Petite anecdote, les prisonniers d’Alcatraz sont, à l’époque, les seuls en Amérique à avoir droit à des douches chaudes. Le but consistait à ne pas les habituer à supporter l’eau froide de la baie en cas d’évasion.
La vie carcérale à Alcatraz est rythmée par trois activités principales, l'appel, le repas et le travail. Voici de manière résumée, la journée typique d'un détenu à cette époque:
7h, première sonnerie indiquant le réveil
7h20, seconde sonnerie prévenant de l'ouverture des cellules. Un pas en avant, les prisonniers doivent attendre ici dans le plus grand silence. Une troisième sonnerie retentit lorsque le compte est termine et que personne ne manque à l'appel.
7h30 petit déjeuner
8h00 comptage
8h20 travail (travail du métal, du linge, du jardin etc.)
11h35 comptage
12h déjeuner
12h20, retour aux cellules
12h30 comptage et fermeture des cellules pour une courte pause
13h comptage
13h20 poursuite du travail
16h10 fin du travail
16h20 comptage
16h40 diner
17h00 comptage
17h30 fermeture des cellules
21h30 dernier comptage de la journée et couvre feu
Après avoir vu les cellules, c'est donc dans le réfectoire que nous nous dirigeons.
La pièce est grande, meublée de bancs et tables. Au fond, un grillage sépare les prisonniers de la cuisine. On entrapercoit le placard à couverts. La forme des couteaux y est dessinée afin de vérifier facilement si aucun ne manque à la fin des repas.
L'histoire dit que la nourriture y était bonne, mais le casque audio nous fait revivre une émeute un jour où les prisonniers se sont plains du manque de variété. A nouveau, on entend des cris, l'agitation, des bruits de couverts frappés contre les tables. Un sentiment d'insécurité m'envahit.
Petit à petit nous nous échappons de ce monde cloisonné avec un premier contact avec le monde extérieur. Je veux bien évidemment parler du parloir, petit privilège d'Alcatraz. Ici, les détenus étaient autorisés à recevoir une visite par mois si celle-ci était préalablement approuvée par le directeur du pénitencier. Aucun contact physique n'était permis et il était interdit de parler aussi bien des événements courants que la vie carcérale. Les conversations se faisaient via intercom et était contrôlées par un gardien.
Nous visitons ensuite les locaux réservés aux surveillants et au directeur de prison avant de sortir au pied du phare d'Alcatraz. Aucun détenu n'avait bien évidemment accès à cette partie de l'ile. Nous voilà libre avec une vue imprenable sur la baie de San Francisco.
La visite audio s'achève et nous avons quartier libre sur le fort. Plusieurs attractions sont disponibles dont le bonus « au son des portes »
Nous repénétrons donc dans les couloirs de la prison. Il fait nuit maintenant. L'atmosphère change. La prison se réveille et se révèle à elle même. Alcatraz n'est plus le site historique géré par les parcs nationaux des États-Unis, mais redevient la prison fédérale de haute sécurité. Il est venu le temps aux détenus de regagner leur cellule. C'est alors qu'un garde enclenche le système d'ouverture automatique des portes. On entend un premier bruit de déclenchement du système de sécurité. Puis un autre de la porte qui glisse et enfin un autre lorsque la porte rebondit contre le mur. Les grilles sont ouvertes. Dans un plus grand silence, la fermeture est encore plus impressionnante.
Je vous propose de revivre ce moment en regardant cette vidéo que j'ai tournée.
http://www.dailymotion.com/video/xax6zc_alcatraz_travel
Il est maintenant 21h15, le temps de repartir. Nous reprenons le bateau, comme les derniers prisonniers l'ont fait le 21 mars 1963, lorsque Alcatraz a définitivement fermé ses portes pour des raisons principalement financières. La poursuite de l'activité pénitentiaire aurait nécessité un investissement de trois à cinq millions de dollars ne serait-ce que pour sa restauration et sa maintenance. Bien plus, le cout de fonctionnement d'Alcatraz est bien supérieur à celui des autres prisons fédérales. Du fait de son isolement sur l'ile, tout doit être acheminé par bateau que ce soit la nourriture, l'eau douce ou encore les vêtements.
Je fais mes adieux à Alcatraz et profite un dernier instant du spectacle magnifique sur la baie de San Francisco.
Arrivée sur l'autre rive, ceux qui le souhaitent peuvent acheter leur photo montage prise au départ avec Alcatraz en fond de décors, vous vous rappelez?...
Si un jour vous venez à San Francisco, je vous recommande vivement de faire la visite du fort. Pensez à réserver à l'avance, car les places sont font rares à trois jours de la visite.